Une lettre ouverte contre Déméter
130 chercheurs et chercheuses ont publié, le 21 janvier, une lettre ouverte adressée à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, pour protester contre la cellule Déméter, destinée à lutter contre l’agribashing et les intrusions en exploitations. Ils réclament une « protection des lanceurs d’alerte ».
Le lobby de l’élevage intensif contre les lanceurs d’alerte. C’est ainsi qu’est présenté le travail de la cellule Déméter par 130 signataires du monde académique et de la recherche. Dans une lettre ouverte qu’ils ont adressée le 21 janvier à Nicole Belloubet, ceux-ci fustigent « le dévoiement, dans l’intérêt des lobbies de l’élevage intensif, de ressources publiques, dont celles du renseignement chargé d’assurer la protection des populations civiles contre des actes meurtriers ». Cette lettre veut se faire l’écho d’attentes sociétales en faveur du bien-être animal, du refus de l’élevage intensif ou de certaines pratiques comme le broyage des poussins. Elle présente également comme utiles les intrusions en élevage ayant pour objectif la réalisation de vidéos voulant « montrer la vérité » et qualifie leurs auteurs de « lanceurs d’alerte ». Quelques jours avant la publication de cette lettre, une tribune parue dans Reporterre et signée par 32 personnes (élus associatifs, militants écologistes) reprenait à peu près le même contenu.
6,45 % des intrusions
La cellule Déméter a été officiellement mise en place par le ministère de l’Intérieur le 13 décembre dernier. Celle-ci regroupe des objectifs hétéroclites. Elle mobilise en effet des moyens importants pour lutter contre des agissements de nature très différente, depuis les cambriolages ou les vols de tracteurs, qui relèvent de la pure et simple atteinte aux biens, jusqu’aux intrusions perpétrées par des personnes convaincues d’agir positivement. Il en résulte un certain flou, entretenu par le ministère de l’intérieur lui-même. En effet, si celui-ci annonce 14 500 vols en élevages en 2019 (dont un vol de tracteur par jour, avec une forte recrudescence en été), les intrusions de militants antispécistes sont au nombre de 1000, soit 6,45 % des cas déclarés. Ce chiffre étant grandissant, il est indéniable qu’il a motivé la création de Déméter. Un effet de loupe jugé « inquiétant » par ce groupe de chercheurs et de chercheuses, qui dénoncent la pénalisation spécifique des « lanceurs d’alerte » et réclament « plus de transparence » dans les élevages. Ils en « appellent à un débat souhaité par leurs concitoyens » plutôt qu’à « dresser des murs autour [des] élevages ». Le débat risque de continuer puisqu’un travail d’expertise serait en cours entre la ministre de la Justice et la FNSEA. L’objectif est de modifier la loi pour sanctionner les intrusions même sans dégradation et de faire des risques sanitaires une circonstance aggravante.
Affaire à suivre. En attendant, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, tiendra une conférence de presse sur les mesures pour la protection et l’amélioration du bien-être animal le mardi 28 janvier.