270 M d’€ pour le plan de sauvegarde du porc
Face à une crise économique inédite, les éleveurs de porc ont été entendus par le ministre de l’Agriculture. Il a en effet annoncé hier un plan de sauvegarde de la filière porcine en cinq axes de travail. 270 M d’€ pourraient ainsi être débloqués.
Hier, le 31 janvier, le ministre de l’agriculture Julien Denormandie a annoncé un plan de sauvetage immédiat de 270 M d’€ maximum ainsi que l’amplification de mesures plus structurantes. « Les éleveurs perdent actuellement entre 25 et 30 euros par porc et beaucoup d’entre eux abandonnent leur production de porcs ou envisagent de le faire », déclarait Inaporc dans un communiqué paru le 26 janvier. « Ces cessations d’activités, qui touchent d’abord les porcelets, pourraient ensuite s’étendre aux porcs charcutiers, entraînant des conséquences directes sur l’ensemble de la filière. »
En cause : un effet ciseau « historique », lié à la fois à l’effondrement du cours du porc (- 14 % par rapport à l’an dernier) et la flambée des coûts de production, qui culminent à des niveaux jamais atteints depuis huit ans (+ 27 %).
S’ajoute à cela des distorsions de concurrence intra-européennes, certains États ayant soutenu leur filière porcine face à la crise sanitaire. Ces producteurs européens se trouvent ainsi favorisés sur les marchés à l’exportation mais aussi sur le marché français, où les importations ont progressé de 10 % en 2021. L’Allemagne a par exemple versé 300 millions d’euros à ses éleveurs.
Face à ce constat, les éleveurs ont tiré la sonnette d’alarme via plusieurs manifestations et via l’interprofession Inaporc, avec une demande simple : une aide d’urgence.
En réponse à cette détresse et afin de sauver la filière porcine et donc la souveraineté alimentaire, une réunion de crise s’est tenue hier afin de définir « une feuille de route concertée, dans laquelle toutes les parties prenantes s’engagent formellement pour aider la filière porcine à passer le cap de la crise et se fixer des objectifs de structuration et de transformation pour l’avenir », explique le communiqué du ministère de l’Agriculture.
C’est donc un plan en cinq volets qui a été décrit hier par Julien Denormandie :
Le premier
concerne une aide directe de 270 M d’€ qui se décomposent en trois voies :
a. 75 M d’€ d’aides d’urgence, soit 15 000 € par élevage versés d’ici 15 jours via les préfectures, en ciblant les exploitations les plus en difficultés, c’est-à-dire les structures qui auront déjà engagé 80 % de leurs lignes de trésorerie à court terme et qui sont engagés dans un PGE (prêts garantis par l’État). L’objectif de ce dernier point est, d’après le ministre, « de connaître les organismes bancaires qui jouent le jeu » ;
b. 175 M d’€ d’aide de structuration adossée à un engagement de contractualisation dans le cadre d’EGAlim2. « Elle viendra compléter la compensation des pertes des exploitations porcines, selon des critères et des modalités qui devront être précisés en concertation avec les professionnels », explique le communiqué. Et le ministre de poursuivre, « on se laisse 15 jours pour réaliser les notifications auprès de l’Europe ». Cette enveloppe devrait être débloquée fin avril - début mai ;
c. 20 M d’€ d'exonération de charges sociales via la MSA, c’est-à-dire jusqu’à 5 000 € par exploitation avec une application immédiate.
Le second
pilier de ce plan concerne la mise en œuvre complète et totale de EGAlim2 avec et en particulier la contractualisation sur les maillons amont de la filière (des producteurs aux abatteurs en passant par les organisations de producteurs), assortie, comme le veut la loi, de clauses d’indexation et d’une prise en compte des coûts de production, afin de mieux répercuter leur évolution le long de la chaîne alimentaire. « J’en appelle à la responsabilité de tous. Là où cette loi est appliquée, ça fonctionne. L’État sera d’une sévérité totale. D’ailleurs, 250 enquêtes ont déjà été ouvertes par la DGCCRF depuis le 1 janvier 2022 », explique le ministre.
Troisième volet
: une réponse européenne avec « la poursuite de la mobilisation des autres États membres pour alerter la Commission sur la situation du marché du porc et demander l’activation de mesures européennes pour ce secteur (aide au stockage privé, mesures exceptionnelles de marché…). Ces mesures sont absolument nécessaires pour désengorger le marché », indique le communiqué.
Le quatrième
volet de ce plan implique les banques. « Il nous faut mettre la pression sur les organismes bancaires afin que le PGE soit accessible aux agriculteurs », indique Julien Denormandie.
Enfin,
dernier
axe de travail : développer la demande auprès des consommateurs avec notamment un abondement de l’État via FranceAgrimer pour une campagne de promotion, la poursuite de la mobilisation du dispositif « Initiative nationale pour l'agriculture française » (INAF) (garantie publique de prêts pour 100 millions d’euros de crédits attribués) et diverses mesures de soutien à l’ouverture des marchés export. Dans ce cadre, le renforcement des mesures de biosécurité face au risque de peste porcine africaine est également prévu.
Pour Julien Denormandie, « Si l’État prend sa part, chaque maillon de la chaîne doit aussi prendre la sienne. J’en appelle donc à la solidarité de toute la filière, aussi bien aux transformateurs et distributeurs pour qu’ils appliquent la loi Egalim2, notamment s’agissant du choix des indicateurs pertinents à chaque maillon, et qu’ils rémunèrent et valorisent nos productions, mais aussi aux banques pour qu’elles fassent des efforts vis-à-vis des producteurs porcins. »
Du côté de la FNP (Fédération Nationale Porcine), François Valy, son président, estime que « ces dispositions ne suffiront pas pour certains élevages mais constituent tout de même une aide indispensable.»