Crédit : Adobe Stock

Stress de chaleur : pensez à vos aliments estivaux !

L’alimentation est un levier permettant de réduire les effets négatifs du stress thermique chez le porc, via la qualité nutritionnelle de l’aliment mais également la conduite alimentaire. Les conseils de Nathalie Quiniou, ingénieure nutrition à l’Ifip, en la matière.

Une alimentation estivale nécessaire, mais insuffisante en cas de canicule. « Mi-juin, l’éleveur doit convenir avec son fabricant d’aliment du choix de la gamme d’aliment à privilégier à l’arrivée de la saison chaude », débute Nathalie Quiniou, ingénieure nutrition à l’Ifip, qui travaille sur le sujet avec David Renaudeau, chercheur à l’Inrae. Et de poursuivre : « Mais il existe également des épisodes de chaleur aiguë non anticipables, comme nous avons pu le connaître l’été dernier en plusieurs vagues successives. Ces pics de chaleur, durant lesquels la température ne redescend pas la nuit et reste supérieure à 25°C durant plusieurs jours, nécessitent des équipements spécifiques supplémentaires afin d’améliorer la gestion de l’ambiance. La nutrition ne peut, à elle seule, permettre de gérer l’urgence ».

"Il faut faire en sorte que les animaux produisent moins de chaleur tout en maintenant leurs performances" , Nathalie Quiniou

En période estivale normale, donc en situation de stress thermique chronique, les porcs, en fonction des conditions d’ambiance, ne parviennent plus à exporter assez la chaleur qu’ils produisent, notamment suite à un repas. Cela peut in fine, après des changements de posture et de comportement tels que la modification de la gestion des zones de déjection dans les cases (voir p. 8), induire une chute de la consommation d’aliment et des performances associées. « Il faut alors adapter l’aliment distribué, l’objectif étant de faire en sorte que les animaux produisent moins de chaleur tout en maintenant leurs performances, affirme l’ingénieure. Au sein d’une bande, tous les animaux n’ayant pas la même sensibilité à la chaleur, l’adaptation de l’alimentation doit avoir pour but de préserver le niveau moyen de performances. »

Aliments faiblement thermogènes

Crédit : Emilie Augé

Nathalie Quiniou, ingénieure nutrition à l'Ifip

Ainsi, il convient de privilégier des aliments plus faiblement thermogènes que d’ordinaire. Il faut pour cela viser un ratio énergie nette / énergie métabolisable plus élevé qu’à l’accoutumée. Cela revient à concentrer un peu l’aliment en énergie et à modifier sa composition chimique. « En fait, l’objectif est d’obtenir un meilleur rendement de l’utilisation de l’énergie par les porcs », commente Nathalie Quiniou. Ces aliments sont généralement caractérisés par un apport supplémentaire de matière grasse comme source d’énergie, ainsi qu’une moindre teneur en fibres et en matière azotée totale pour un même apport d’acides aminés essentiels, dont l’utilisation par l’animal produit de la chaleur. Les teneurs en minéraux et acides aminés essentiels doivent également être adaptées, en relation avec la teneur en énergie nette de l’aliment. Ces formules présentent un surcoût plus ou moins important selon le cours des matières premières.

Ceci vaut pour le porc en croissance et la truie en lactation, les deux stades physiologiques les plus à risque de stress thermique chronique. D’après l’ingénieure, pour la truie en lactation, les températures d’été s’ajoutent à une production de chaleur déjà forte d’ordinaire (voir p. 8) et a un inconfort lié au besoin d’une température élevée dans la salle pour les porcelets. Elle précise que l’ajout de matière grasse dans l’aliment de la truie allaitante permettra de compenser la baisse de production laitière par un lait plus riche, et ainsi de préserver le poids de sevrage des porcelets.

Prise en compte de nouveaux acides aminés ?

Par ailleurs, lorsque la température monte, l’animal augmente son rythme respiratoire. Il exporte alors davantage de dioxyde de carbone, ce qui provoque une augmentation du pH sanguin ; c’est un phénomène d’alcalose respiratoire transitoire. D’où un rééquilibrage à opérer, via la modification de la balance électrolytique de l’aliment (viser entre 180 et 230 mEq/kg d’aliment). En outre, Nathalie Quiniou explique qu’il est important de limiter les altérations de la muqueuse intestinale des animaux observées au chaud. « Chez des animaux qui ont fortement réduit leur consommation, la contribution du besoin d’entretien au besoin total augmente et il faut par exemple veiller à respecter les niveaux minimums d’apport de thréonine, soit 72% de l’apport en lysine durant la gestation et 65% pendant la lactation et l’engraissement », commente-t-elle.

"Dans certaines parties du monde où la production porcine est réalisée dans des conditions climatiques très chaudes, d’autres acides aminés sont déjà incorporés dans l’aliment" , Nathalie Quiniou

Et d’ajouter : « Dans certaines parties du monde où la production porcine est réalisée dans des conditions climatiques très chaudes, d’autres acides aminés sont déjà incorporés dans l’aliment. C’est notamment le cas de la citrulline, précurseur dans la fonction de vasodilatation qui favorise l’exportation de chaleur, ou de la bétaïne, dont l’implication dans de nombreuses fonctions métaboliques semble induire une baisse de la production de chaleur liée à l’entretien », commente-t-elle. Enfin, d’autres additifs présents sur le marché peuvent jouer un rôle dans l’atténuation des effets négatifs du stress thermique chez le porc, tels que des anti-oxydants, des extraits végétaux ou encore des probiotiques (voir p. 12).

Adapter les distributions

Mis à part la qualité nutritionnelle de l’aliment, Nathalie Quiniou rappelle quelques conseils de conduite alimentaire à appliquer en période estivale. Afin de conserver un bon niveau d’ingestion des animaux, il faut notamment veiller à adapter le moment de distribution des repas sur les périodes plus fraîches de la journée. « Quand ils ont accès librement à l’aliment, les porcs sont capables de décaler spontanément leurs horaires », complète-t-elle. Lorsque l’accès à l’aliment n’est pas libre, l’ingénieure préconise de réaliser au moins trois distributions par jour. Enfin, elle n’oublie pas l’importance de mettre à la disposition des animaux une eau fraîche à volonté, ce qui est aujourd’hui permis par l’installation obligatoire d’abreuvoirs dans toutes les cases.  

En période de canicule maintenant, l’ingénieure reconnaît qu’il n’est pas réaliste de vouloir préserver le niveau de performances des animaux. « L’objectif est de limiter leur inconfort et de faire en sorte qu’ils puissent repartir le plus rapidement possible une fois l’épisode caniculaire terminé », affirme-t-elle. Sur le plan alimentaire, la réflexion des chercheurs travaillant sur ce sujet amène à conseiller deux possibilités, lorsque les prévisions météorologiques annoncent une vague de forte chaleur : soit anticiper dès les jours précédents une diminution de la ration allouée, soit fragmenter davantage les repas distribués au cours de la journée. Toujours dans le but que le porc produise moins de chaleur. « Mais à ce stade, ce sont surtout les équipements de gestion de l’ambiance qui vont jouer un rôle important », conclut-elle.

A noter

L’Ifip et l’UMR Pegase de l’Inrae développent actuellement un modèle permettant de simuler les performances des animaux selon les conditions d’ambiance. Celui-ci simule notamment les conséquences de la chaleur sur les performances des porcs.

Porcmag - Formules d'abonnement

AUX CÔTÉS DES ÉLEVEURS, AU CŒUR DE LA FILIÈRE, OUVERT SUR LE MONDE

● La richesse des reportages terrain et des dossiers thématiques
● Les conseils des meilleurs experts en technique et en gestion
● De nombreux retours d'expérience et solutions pratiques

Profitez d'une offre découverte 3 mois